Les journalistes veulent créer le job dont ils ont toujours rêvé
Alan D. Mutter est un observateur très avisé de l’économie des médias. Dans un post récent, il essaie de comprendre pourquoi les projets montés par des journalistes ont une fâcheuse tendance à merder sur un plan économique (c’est un résumé très libre de ses propos).
Il constate que lassés des plans sociaux et autres licenciements, des journalistes de plus en plus nombreux ont décidé de prendre leur destin en main et de créer des sites d’info.
Alan D. Mutter applaudit mais il constate aussi que ces entrepreneurs ne se donnent pas toutes les chances de réussir.
« Après avoir discuté avec plusieurs journalistes-entrepreneurs, j’ai constaté qu’ils commettent presque tous la même erreur qui a provoqué l’échec de beaucoup de créateurs d’entreprise: au lieu de créer une entreprise, ils essaient de créer le job dont ils ont toujours rêvé. »
En d’autres termes, les journalistes-entrepreneurs s’occupent plus de journalisme que d’entreprise.
Pour en avoir le coeur net, Alan D. Mutter a décidé de se pencher sur le cas de trois sites d’info lancés récemment. Le premier fait de l’info locale en zone rurale; le deuxième traite l’actualité d’une ville; le troisième vise une audience nationale. Ensuite, l’auteur compare avec la performance des médias traditionnels qui existent sur les zones correspondantes. Pour effectuer les comparaisons, Mutter se base sur les données Alexa en reconnaissant toutes les limites de l’outil. Il constate que les pure players font beaucoup moins bien sur le web que les médias traditionnels.
« Quand les journalistes dans les sites pure player pensent leur activité sans routine et passent plus d’une douzaine d’heures chaque jour à traquer des infos et rédiger des articles pour leurs sites, cela ne leur laisse ni le temps ni l’énergie de réfléchir aux facteurs de réussite que sont la construction d’une audience et le développement d’une base économique saine pour de futurs développements. »
Alan D. Mutter pointe quelques phrases caractéristiques de cette situation:
- « Nous sommes meilleurs que le journal local »
- « Nous comptons sur les internautes pour nous faire connaître »
- « Nous sommes soutenus par une fondation »
- « Nous allons vendre de la publicité et trouver des sponsors »
- « Nous attendons les contributions des internautes »
- « Nous allons peut-être publier une newsletter payante »
Et la conclusion de Mutter tombe comme un couperet sur la « naïveté » économique de nombre de journalistes:
« Les journalistes sont tellement occupés à faire du journalisme -et, franchement, trop confiants dans le fait que la qualité de leur couverture de l’actualité sera suffisamment attirante pour capter une audience toujours plus importante- qu’ils consacrent des efforts limités dans le domaine du marketing, de la promotion et de la monétisation de leurs sites. Travailler sans un business plan digne de ce nom et espérer que ça marche est une recette bien connue pour des désastres dans ce domaine. Malheureusement, c’est ce que font beaucoup de sites d’info pure players. »
Alan D. Mutter évoque, bien entendu, la situation des États-Unis. Selon vous, en est-il de même de ce côté de l’Atlantique?
Tu m’étonnes… Et donc encore une fois aucune solution…
Et donc c’est quoi les suggestions d’Alan D. Mutter ? Parce que moi mon métier, c’est journaliste, pas marketeur…
PS: les RT Twitter dans les commentaires, ça gêne la lecture des commentaires quand même.
@Pierre,
Je crois qu’il nous dit que dans « entreprise de presse », il y a « entreprise » alors que beaucoup de journalistes n’entendent que « presse ». C’est ce que j’en comprends.
Et je serai curieux de savoir ce que l’auteur considère être le job dont les journalistes ont toujours rêvé. cette analyse révèle une profonde méconnaissance du métier de journaliste et du « rêve » que peut représenter cette activité aujourd’hui. La vérité de l’état de la presse en France aujourd’hui, y compris de la presse en ligne, est exactement le contraire: trop de marketing, de recherche d’équation économique, de business modèle, et pas assez d’idées journalistiques. Regardez surle web: combien d’essai d’écriture neuve, de présentation différentes, à coté des tentatives de modèles payants gratuits premium, etc…. C’est exactement le contraire de ce qui est écrit ici: on ne sait pas très bien ce qu’on va vendre, mais on cherche à le vendre.
@Zilbertin
Merci pour ce commentaire.
Je crois qu’Alan Mutter parle de la situation américaine en constatant que les journalistes qui se lancent dans l’aventure développent des projets de journalistes qui ne sont pas forcément des projets d’entreprise. La question est de savoir s’il existe une demande et un marché suffisant en face d’une offre.
Je ne crois pas, connaissant un peu le bonhomme, qu’il soit contre les expérimentations et les innovations. Il dit en revanche que le journaliste-entrepreneur doit avoir deux cadrans sur son tableau de bord: l’un pour la qualité du journalisme qu’il propose; l’autre pour la pertinence économique de son activité.
[…] originellement publié sur Journaliste Entrepreneur, le blog de Philippe […]