Suite101 : des articles rémunérés selon leur performance publicitaire

Suite101 sélectionne des auteurs (souvent d’ex-journalistes) et leur propose de publier leurs articles sur sa plateforme. La rémunération ? Incertaine et souvent symbolique car basée sur les revenus publicitaires générés par les articles. L’entreprise, elle, va bien. Merci.

(photo: OndraSoukup via Flickr)

Suite101 est un objet médiatique particulier : pas de rédaction constituée mais des «auteurs» disséminés à travers le monde; quelques éditeurs pigistes qui travaillent également à distance; et une poignée de salariés dont quelques journalistes dans les bureaux de l’entreprise. C’est une société de l’ère post-Google et l’un des 100 sites les plus fréquentés par les internautes américains.

Chiffres clefs

  • Suite101.com

Une quarantaine de salariés à Vancouver (Canada)
Chiffre d’affaires : confidentiel
Résultat : confidentiel mais l’entreprise serait profitable selon ses dirigeants
Fréquentation: 30 millions de VU / mois en juin 2010 (source : entreprise)
Environ 500 articles publiés par jour (été 2010)
1er site de contenu au Canada, Suite101 figure dans le top 100 des sites les plus visités par les internautes US (source : Quantcast)
Revenu record pour un auteur anglophone sur Suite101: 3 500€ en un mois (février 2010)

Trois bureaux de représentation à l’étranger (ce ne sont pas des filiales)

  • en France

3 salariés
10 éditeurs freelance rémunérés comme auto-entrepreneurs (200€/mois par rubrique + 1,5€/article relu et corrigé)
1000 auteurs francophones publiés depuis fin septembre 2009 dont environ 450 actifs (publient au moins 10 articles par trimestre). Parmi les auteurs, 60% de journalistes ou ex-journalistes
Environ 50 articles publiés / jour
CA réalisé en France : confidentiel
Résultat : confidentiel mais l’activité en France reste déficitaire selon ses dirigeants
Rémunération des auteurs en fonction des recettes publicitaires générées par chaque article. Contributeur le mieux rémunéré (211€ en juin 2010 pour 260 articles publiés)
Fréquentation : 770 000 VU / mois en juin 2010 (source entreprise)

  • en Allemagne

Fréquentation : 3 million VU / mois (source entreprise) en juin 2010

  • en Espagne

Fréquentation : 1,5 million VU / mois (source entreprise) en juin 2010

« Nous sommes un magazine participatif », explique Jérémy Reboul, le rédacteur en chef de la branche française de ce site canadien. « Nous ne sommes pas une plate-forme de production de contenus», ajoute-t-il aussitôt pour tenter de couper court à toute comparaison avec les content farms (usines à contenus) comme Demand Media.

Ici, les quelque 50 articles francophones quotidiens sont rédigés par des «auteurs» que le site recrute et sélectionne sur le web et la ligne éditoriale est celle que « la communauté des experts » (c’est le sous-titre du site) définit elle-même. Cette communauté est quand même guidée dans ces choix par des recommandations sur les tendances de recherche des internautes que Suite101 transmet régulièrement pour permettre d’identifier les sujets qui ont le plus de chance d’être recherchés par les internautes tout en intéressant les annonceurs.

Image visible sur le site Suite101.fr

Intéresser les internautes et les annonceurs, c’est tout l’enjeu. Les « auteurs » perçoivent en effet une part de la publicité engrangée par le site sur les pages où figurent leurs articles. Il est préférable (pour les recettes du site et pour celles des auteurs —bien que pour eux cela reste encore à prouver pour ces derniers) que les articles traitent de sujets comprenant les mots-clefs les plus prisés par les annonceurs. Il est donc plus rentable de publier «Le PERP pour se constituer une pension de retraite en rente à vie» que «Le renouveau de la peinture religieuse après le Concile de Trente».

Pourtant, ces deux articles ont été publiés le même jour sur le site français. La ligne éditoriale apparaît assez libre (ou hétéroclite, c’est selon), toutefois la plupart des articles appartient à la catégorie des evergreen que la maison-mère encourage. Les evergreen sont des articles intemporels. Ils pourront encore être consultés dans plusieurs mois et ils ont donc une plus grande capacité à générer des revenus publicitaires sur la durée.

L’histoire de Suite101

L’entreprise Suite101 est née à Vancouver Canada en 1996. Bien avant l’émergence du web 2.0, l’idée est de faire participer une communauté d’internautes à la production d’articles et d’oeuvres de fiction (nouvelles, romans). Jusqu’en 2005, le site est un lieu d’échange entre auteurs. Des formations en ligne payantes sont également proposées mais sans succès commercial. Le site, qui attire 4 millions de visiteurs uniques par mois à l’époque, ne parvient pas à monétiser son audience.

Boris Wertz, principal actionnaire de Suite101 (photo: kk+ via Flickr)

En 2006, les deux fondateurs décident de revendre leur affaire. Suite101 reste au Canada, mais les nouveaux actionnaires sont des investisseurs allemands : Boris Wertz, un capital-risqueur et la filiale nouveaux médias du géant allemand de la presse Hubert Burda Media.

Les nouveaux propriétaire choisissent un PDG allemand, Peter Berger, qui conclut un partenariat avec Google et sa régie Google Adsense pour faire figurer de la publicité sur chacune des pages du site.

Trois ans après avoir changé de mains, en novembre 2009, Suite101.com figure dans la liste des 10 sites web ayant la plus forte croissance sur le marché américain (source : ComScore). Qui plus est, le PDG assure que la société est rentable, sans toutefois dévoiler ses chiffres.

Les actionnaires

Boris Wertz
A 36 ans, Boris Wertz est un capital-risqueur (venture capitalist) allemand installé à Vancouver. Il a monté son fonds d’investissement W Media Ventures en 2008 avec l’argent tiré de la vente de la start-up qu’il avait créé en Allemagne en 1999 (Justbooks, un libraire en ligne). En 2001, Wertz a ensuite pris la tête de AbeBooks qui a racheté sa start-up et il a porté le chiffre d’affaires à 35 millions de dollars avec 130 employés jusqu’au rachat en 2008 par Amazon.com. Wertz a empoché ses gains et il a investi dans une quinzaine de start-ups dont Suite101 et il travaille également à dénicher des opportunités pour le fonds d’investissement du groupe de presse allemand Burda (une relation qui remonte aux premiers investissements de Burda dans JustBooks).

source:
http://www.bcbusinessonline.ca/bcb/people/2010/02/03/second-life-boris-wertz

Burda

Burda Digital Ventures est l’autre actionnaire principal de Suite101.com. C’est la branche capital-risque et investissement du géant allemand des médias, Burda qui édite plus de 250 titres de presse.

Autres actionnaires

Quelques actionnaires individuels minoritaires complètent l’actionnariat.

Le fonctionnement

  • Le choix des sujets

Jérémy Reboul

Les auteurs sont libres d’écrire ce qu’ils veulent, martèle-t-on chez Suite101. «Chez nous, il n’y a pas de sujet imposé, ni de sujet suggéré», explique Jérémy Reboul. Le rédacteur en chef  de suite101.fr se contente d’adresser aux auteurs des recommandations concernant les tendances de recherche des internautes. «Ce sont des indications», ajoute-t-il, «ensuite les auteurs font ce qu’ils veulent». Un coup d’oeil sur la liste des sujets traités permet de constater qu’il dit vrai tellement la variété des thématiques est grande.

Contrairement à d’autres start-ups que l’on qualifie de content farms (« usines à contenus »), chez Suite101, il n’est pas question de se reposer sur des algorithmes pour déterminer les sujets à traiter. L’entreprise ne veut pas prendre le risque de se retrouver trop dépendante de Google. En effet, tout changement dans la programmation du moteur de recherche peut avoir un impact négatif sur la fréquentation des sites dont la production repose uniquement sur l’exploitation des données en provenance de Google.

Chez Suite101, on n’ignore pas pour autant la manière dont fonctionne Google et aussi la façon qu’ont les internautes de consulter le moteur de recherche. Sinon, comment comprendre la mise en ligne le 16 août de l’article «Les plus belles illuminations et animations de Noël à Paris». Explication : en anticipant sur les recherches des internautes Suite101 veut s’assurer —par une publication précoce— une présence en bonne place dans les résultats de Google en fin d’année et par là même produire des pages où le mot-clef «Noël» attirera de la publicité à forte valeur.

Conséquence de ce dispositif, on trouve sur Suite101 très peu d’articles d’actualité sur des faits divers. Pas non plus de sujets people. En termes publicitaire, leur impact est en effet assez réduit sur le web. Peu d’annonceurs veulent associer leur image à des sujets de ce genre.

  • Les «auteurs»

La version française de Suite101 (créée fin septembre 2009) comptait 10 mois plus tard 1 000 «auteurs» enregistrés dont 450 actifs (ayant publié au moins un article au cours du dernier mois). On insiste chez Suite101 pour parler d’«auteurs» et non de journalistes même si le rédacteur en chef assure que plus de la moitié des auteurs sont des journalistes ou d’ex-titulaires de la carte de presse.

Recrutés en ligne, les candidats auteurs remplissent un formulaire sur une page web qui développe un argumentaire en cinq points :

  1. Touchez de l’argent en écrivant sur des sujets qui vous intéressent vraiment.
  2. Construisez votre portfolio sur Suite101 et faites vous remarquer par les lecteurs et les acteurs du monde des médias.
  3. Partagez vos idées et votre expérience avec notre large communauté et obtenez des conseils de la part de ses membres les plus expérimentés.
  4. Bénéficiez du suivi et du soutien de notre équipe d’éditeurs professionnels.
  5. Écrivez à votre rythme!

Être candidat ne suffit pas. Encore faut-il être retenu par l’équipe de Suite101. Au Canada, comme dans les autres pays où l’entreprise se développe, la priorité est donnée à un certain niveau de qualité dans la production éditoriale. «On demande aux candidats de présenter leurs références et d’expliquer leur motivation et de nous envoyer deux exemples d’articles qu’ils ont rédigé», explique le rédacteur en chef de la version française. Conséquence : «je ne retiens pas plus d’une candidature sur trois», calcule Jérémy Reboul.

Image visible sur le site Suite101.fr
La priorité est donc donnée à la qualité rédactionnelle mais aussi à l’expertise. La stratégie de Suite101 n’est pas de se positionner comme un fournisseur de contenu généraliste mais au contraire d’être présent sur de multiples niches spécialisées. «Nous sommes un magazine participatif», disait Jérémy Reboul au début de cet article. Les auteurs qui font preuve d’une expertise, quel qu’en soit le domaine, sont les bienvenus.

Actuellement, les auteurs de la version française sont majoritairement basés en France mais quelques uns vivent en Afrique ou à Madagascar. Pour la version anglophone, les Etats-Unis, le Canada et le Royaume Uni fournissent les plus gros contingents.

  • Les éditeurs

Dans la pyramide éditoriale élaborée par Suite101, les éditeurs prennent place juste au dessus des auteurs. Pour la version française, ils sont 10 à remplir ce rôle. Parmi eux, huit journalistes professionnels, une éditrice qui travaille dans une maison d’édition et une responsable communication qui a une expérience de journaliste.

Les éditeurs travaillent à domicile. Leur rôle est double :

  • ils sont chargés de l’animation d’un réseau d’auteurs autour d’une ou plusieurs rubriques (il en existe une vingtaine dans la version française : auto-moto, beauté et bien-être, conso / high tech, cuisine & saveurs, culture, environnement, famille & relations, histoire, loisirs & sorties, maison & décoration, mode & tendance, nature & animaux, politique / société / médias, religions & ésotérisme, santé & médecine, sciences & technologies, sports, voyages & découvertes, économie & finances, éducation & carrières)
  • ils doivent relire et éditer les articles qui sont postés par les auteurs (5 articles en moyenne par éditeur et par jour). Ils «doivent veiller à ce que les papiers fassent entre 400 et 1.000 mots chacun, aient des paragraphes courts entrecoupés d’intertitres, détiennent des informations «sourcées», possèdent des liens internes et externes, soient promus sur les réseaux sociaux et soient dotés d’un chapeau et d’un titre avec des mots-clés facilement repérables par… Google. Toujours Google.», écrit Alice Antheaume sur le blog de l’école de journalisme de Sciences Po.
  • Le circuit de la copie

Le premier article publié par chaque auteur fait exception à la règle qui veut que le circuit de publication soit très, très court. Les articles sont directement publiés par leurs auteurs et mis en ligne par eux-mêmes. Les éditeurs n’interviennent qu’a posteriori «dans un délai de 24 à 48 heures», précise Jérémy Reboul, le rédacteur en chef de version française de Suite101. «On a mis ce système en place pour donner la satisfaction à l’auteur de voir son article en ligne tout de suite», ajoute-t-il.

Il n’y a donc que la première publication qui est relue et qui fait éventuellement l’objet d’allers-retours entre l’éditeur et l’auteur. Une fois ce premier article validé, les auteurs publient directement. Une organisation qui permet de mieux comprendre la volonté de l’équipe de Suite101 de se reposer sur des professionnels un peu aguerris.

Il en va de même pour les illustrations des articles qui sont mises en place par les rédacteurs des articles eux-mêmes et qui doivent leur appartenir ou bien avoir été placées par leurs auteurs en Creative Commons avec possibilité d’utilisation commerciale. Une contrainte qui ne semble pas toujours respectée, notamment dans certains articles d’actualité où les rédacteurs vont faire leur marché d’illustrations sur les sites d’info traditionnels.

Modèle économique

Suite101 n’est pas, à l’heure actuelle, une société cotée en bourse et ses obligations en matière de transparence financière sont limitées. L’entreprise ne communique pas sur ses données économiques.

On se contentera donc de nous assurer que Suite101.com est une entreprise qui gagne de l’argent au niveau mondial et que ses activités (récentes) en France sont encore déficitaires, mais qu’elle devraient atteindre l’équilibre d’ici 2 ans.

  • Sources de revenus

La publicité contextuelle (programme AdSense de Google) est la principale source de revenus. Depuis quelque temps, le site anglophone diffuse également de la publicité display (bannières).

Comme d’autres sites producteurs de contenus (Demand media a signé des accords avec le San Francisco Chronicle et USA Today), Suite101 envisage de faire de la syndication de contenu mais probablement pas auprès de médias traditionnels.

  • Les auteurs ne doivent pas venir chercher la facilité…

Le site suite101.fr est clair vis à vis des prétendants qui voudraient devenir «rédacteur freelance»:

«Du temps et de l’investissement personnel sont nécessaires pour rencontrer le succès sur Suite101: il est certain que ce n’est pas un moyen de se faire de l’argent rapide et facile. C’est en revanche parce que vous êtes soucieux de développer et de donner un nouvel élan à votre carrière que nous sommes là.
Les contributeurs de Suite101 s’engagent à écrire 10 articles tous les 3 mois. Pourquoi? Parce que vos articles mettent du temps à générer des revenus. Si vous n’écrivez que deux articles et que vous vous asseyez en attendant que l’argent tombe du ciel, vous risquez d’attendre longtemps! Écrire 10 articles témoigne d’une part de votre engagement, mais c’est aussi le minimum requis pour produire des résultats. Plus vous écrivez des articles de qualité, plus vous avez de chances d’augmenter votre potentiel de revenus. La qualité et la quantité sont la clé du succès sur Suite101!»

L’auteur qui détient le record de gains en France est une traductrice qui travaille sur deux types de sujets : la littérature anglaise du XIXe siècle d’un côté, et de l’autre des sujets pratiques et quotidiens ou technologiques. La promesse de Suite101 vis à vis des auteurs n’est pas seulement exprimée en terme de rentabilité financière. Le site fait également miroiter un renforcement de réputation en ligne (personal branding).

Jérémy Reboul: «il existe une vraie communauté avec des forums pour les échanges et puis chaque auteur dispose de son espace personnel sur le site où il peut retrouver des documents de référence et des tutoriels pour apprendre à écrire pour le web. Nous avons un guide d’écriture et un guide du référencement car il s’agit de bien comprendre comment fonctionnent les moteurs de recherche et Google en particulier.»

  • … ni la fortune

Si les gains éventuels ne sont pas fortement mis en avant par le site et s’ils sont un peu noyés au milieu d’autres «avantages» que procure la participation au site (personal branding, formation à l’écriture web, …), c’est par ce que l’espérance de revenus est faible.

Ce que le site avoue avec quelques contorsions : «Il est difficile de produire des statistiques précises sur combien d’argent gagne un auteur de Suite101. Il y a de nombreuses variables qui peuvent intervenir dans le calcul des revenus. Cependant, pour vous donner une idée, certains auteurs peuvent gagner plus de 1000 EUR par mois. D’autres peuvent seulement percevoir 30 EUR par mois. En réalité tout dépend du nombre, de la popularité des articles et de leur référencement dans les moteurs de recherche. (…) Soyez professionnel, productif et patient. Cela peut prendre du temps avant d’obtenir les revenus que vous attendez. Gardez également à l’esprit que si vous écrivez par exemple 100 articles sur Suite101 et que vous vous arrêtez ensuite, vous continuerez à percevoir des revenus de ces articles aussi longtemps qu’ils resteront en ligne.»

En France, le contributeur le mieux rémunéré (c’est une contributrice) a touché 211€ en juin 2010 après avoir publié 260 articles depuis la naissance du site en version française 9 mois plus tôt, assure Jérémy Reboul, le rédacteur en chef. Il précise que selon un modèle de calcul établi par une journaliste américaine, «les auteurs anglophone toucheraient environ 2$ par mois par article au cours de la première année, puis 30$ par mois par article en année 2 et enfin 80$ par mois par article en année 3». Le modèle ne semble pas s’appliquer à la France où les revenus des auteurs en année 1 sont beaucoup plus faibles (moins de un euros par mois par article publié en année 1 pour la contributrice qui perçoit le plus).

  • Des «auteurs» payés via Paypal

Les «auteurs» sont payés via Paypal en fonction des revenus générés par leurs articles. En France, ce sont uniquement des Google ads qui sont mises en place. La rémunération dépend du nombre d’internautes qui cliquent sur les publicités présentes sur la page d’un article et du tarif auquel Google a vendu cette publicité. Google facture l’annonceur et reverse 68 % de la recette à Suite101 (comme à tous les utilisateurs de ses services de régie publicitaire). Ensuite, Suite101 reverse une partie de cette somme à l’auteur. Combien? C’est un secret que l’entreprise se refuse à communiquer.

Mais les clics des internautes ne rapportent pas lourd. En août 2010, le mot-clef « rentrée scolaire » était facturé entre 0,06 € et 0,17 € à l’annonceur par Google qui reverse donc entre 0,04€  et 0,11€ à Suite101 qui en reverse à son tour une partie aux auteurs. La rédactrice de l’article « Prime de rentrée scolaire 2010-2011 » peut envisager de percevoir au mieux quelques centimes d’euros par internaute qui cliquera sur les annonces figurant sur la page de son article.

Le modèle économique a ceci de génial du point de vue de ses inventeurs que ce sont les contributeurs qui réalisent finalement l’investissement initial. En outre, la rémunération n’est pas versée immédiatement. On lit dans le contrat proposé aux «auteurs» : « Dès qu’elle dépassera un seuil minimum de 10 euros, la rémunération sera versée au Prestataire par le biais des systèmes de paiement électronique spécifiés sur le Site Internet. » En d’autres termes, les «auteurs» qui débutent et qui génèrent peu de revenus contribuent à alimenter la trésorerie de l’entreprise en attendant qu’ils aient franchi le cap des 10 € de recettes.

  • Les sujets les plus rémunérateurs

Les sujets qui rémunèrent le mieux sont la mode, l’automobile, les nouvelles technologies, les voyages, la beauté, le bien être et l’économie domestique (celle qui permet d’afficher des publicité pour des offres de crédit par exemple ou des assurances). Les sujets d’actualité politique ou les faits divers, peu générateurs de publicités rémunératrices sont peu rentables et donc peu prisés des auteurs même si la rémunération n’est pas leur seule préoccupation.

Contrairement aux content farms (« usines à contenus ») comme Demand media qui imposent à leur auteurs d’écrire sur des sujets rentables, Suite101 laissent ses auteurs libres de choisir les thèmes et les angles qu’ils souhaitent tout en essayant de les guider par l’envoi régulier d’informations sur les tendances les plus « rentables ». Reste que les sujets intemporels sont privilégiés.

  • Un an d’exclusivité sur le web

Par contrat, les auteurs cèdent à Suite101 au site un droit d’exclusivité d’un an, comme le stipule le contrat:

Vous cédez à Suite101 le droit exclusif de publication électronique du Contenu sur internet et sur tous supports électroniques conformément aux dispositions du présent Contrat pendant un (1) an à compter de la date d’envoi du Contenu et aura un droit perpétuel et non‐exclusif à le publier par la suite.

SUITE101.COM aura également le droit perpétuel d’utiliser des extraits du Contenu, le nom du Prestataire, son portrait et sa biographie approuvée sur tout matériel créé pour promouvoir le Site Internet par tout moyen.

SI le prestataire publie le Contenu sur d’autres sites Internet ou sur tous supports électroniques après un (1) ans, il accepte de citer clairement Suite101 comme éditeur original et d’insérer un lien hypertexte vers le contenu original sur Suite101 sur chaque version republiée du Contenu.

  • Un contrat de droit canadien

Le contrat précise également « Le présent Contrat sera régi par et interprété conformément à la loi de la  Province de Colombie Britannique, Canada ». En cas de litige, on peut douter que les plaideurs français franchissent le pas de saisir la justice de Vancouver (Canada).

Déontologie

  • Conflits d’intérêt

Le risques de conflit d’intérêt est assez faible dans la mesure où la production éditoriale et la publicité sont deux activités séparées.

L’auteur d’un article ignore totalement quelles sont les publicités qui vont être mise en ligne à côté de son article: ce sont les algorithmes de Google qui en décident.

Quant à des problèmes éventuels sur des articles qui auraient des tendances promotionnelles, par exemple, c’est le rôle des éditeurs d’en juger.

Conclusion

Interrogé à plusieurs reprises sur le fait de savoir s’il ne livrait pas une concurrence déloyale aux médias, le PDG de Suite101, Peter Berger, répète que son entreprise n’entre pas en compétition avec les médias traditionnels et que ses concurrents seraient plutôt à chercher chez les éditeurs de livres en catégorie non fiction. Il explique ainsi: « autrefois, si vous refaisiez la décoration de votre maison, vous achetiez un bouquin sur le sujet. Maintenant, les gens vont sur Google »

Au final, Suite101 concurrence sans doute moins les médias qu’il ne profite d’un contexte économique qui place sur le marché du travail nombre de journalistes prêts à accepter de travailler et d’investir de leur temps et de leur énergie dans une entreprise qui leur promet un retour sur investissement doublement hypothétique tant sur un plan financier que du point de vue de la notoriété acquise par les auteurs.

Quelques liens vers d’autres infos sur Suite101

WIP, Slate.fr
Suite101.fr, la logique du clic

Ecrans.fr
Sur Suite101, le fric, c’est clic

ReadWriteWeb.com
Content Farms 101: Why Suite101 Publishes 500 Articles a Day

WordCount, freelancing the digital age
Suite101 CEO Peter Berger, and a question of quality

Magazines Online
Q&A with Suite101 CEO Peter Berger

Digidaydaily
Suite101: Collective With a Conscience

Cet article est rédigé dans le cadre de la préparation du rapport « Quel est l’impact déontologique des nouveaux modèles économiques des médias ?«