Café Babel : magazine européen, multilingue, contributif et confronté à Facebook
Welcome. Wilkommen. Bienvenido. Benvenuti. Witajcie. Bienvenue chez l’un des plus anciens pure players européens dans le domaine de l’information. Café Babel fêtera ses 10 ans en 2011 et en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, italien et polonais). Le magazine européen d’actualité a franchi les années depuis sa naissance à Strasbourg jusqu’à son implantation parisienne. Il emploie aujourd’hui 6 salariés permanents (et un contrat à durée déterminée) après en avoir compté jusqu’à 14.
Café Babel n’est pas une entreprise comme les autres. d’ailleurs, ce n’est pas une entreprise mais une association de droit alsacien (loi de 1908). Un choix qui remonte à la naissance du projet lorsque des étudiants venus de toute l’Europe se retrouvent dans le cadre du programme Erasmus pour une année d’étude à Sciences Po Strasbourg. Parmi eux, Adriano Farano et Alexandre Heully, qui resteront impliqués dans l’aventure pendant de longues années (et encore aujourd’hui pour Alexandre Heully qui occupe le poste de directeur général et de directeur de la publication).L’objectif affiché au départ est de « créer un espace virtuel au sein duquel les jeunes Européens pourront échanger et débattre des questions européennes » avec, en ligne de mire, l’ambition de contribuer à l’émergence d’une véritable opinion publique européenne en s’appuyant sur la génération Erasmus et Easy Jet qui sillonne l’Europe comme leurs aînés prenaient le métro.
La quasi totalité des articles provient de la communauté
D’emblée, Café Babel est un projet multilingue (4 langues dès la première apparition sur la Toile, le 1er février 2001). Tous les articles sont disponibles dans toutes les langues. La jeune équipe va constituer un immense réseau de contributeurs qui vont se charger de traduire les textes. Un second réseau regroupe les auteurs qui proposent des textes à la rédaction centrale installée à Paris depuis 2003.
Aujourd’hui encore, la quasi totalité des contenus sont produits par les quelque 12 000 membres de la communauté de Café Babel. En moyenne, les plus actifs proposent 2 ou 3 articles par an et sont encadrés par des bénévoles regroupés en 24 « rédactions locales » présentes dans 21 pays. Tous les articles sont ensuite relus et validés par la rédaction avant d’être traduits puis mis en ligne. Un processus long et exigeant qui pèse parfois sur la réactivité de l’équipe face à l’actualité.
« Les journalistes ne font que ce que la communauté ne peut pas faire », explique Adriano Farano, l’un des cofondateurs du site. Le rôle de la rédaction est certes de sélectionner et d’éditer les contributions mais c’est aussi, —et peut-être surtout— d’animer les communautés linguistiques et d’en connaître les membres en entretenant des contacts réguliers. Une tâche titanesque avec des membres présents sut tout le continent.Présent dans 21 pays : force éditoriale et faiblesse commerciale
La communauté, ou plutôt les communautés de Café Babel sont paneuropéennes. C’est une force éditoriale mais une faiblesse commerciale lorsqu’il s’agit de vendre cette audience à des annonceurs. En effet, les régies publicitaires gèrent très mal la dimension transnationale de l’audience du site qu’elles ne savent pas valoriser auprès de leurs clients.
Café Babel a donc été contraint de prendre les choses en main. Si, depuis le démarrage, une partie du budget de l’association provient de subventions européennes, l’équipe cherche à développer ses ressources propres pour réduire sa dépendance vis-à-vis des institutions européennes.
La vente des espaces publicitaires du site a été internalisée —une démarche initiée avec le recrutement pendant quelques mois en 2009 d’un commercial. Le poste a dû être supprimé aujourd’hui mais l’essentiel demeure : Café Babel est désormais présent sur le radar de toutes les agences de communication en charge de budgets européens qui viennent spontanément solliciter l’équipe lorsqu’elles doivent mettre en place des campagnes en faveur d’une initiative européenne. « On n’est pas si nombreux à parler d’Europe sans être chiants et à toucher un public jeune », constate Alexandre Heully, délégué général de Café Babel.
Par ailleurs, l’équipe a tenté de développer en ligne, l’équivalent des suppléments de la presse écrite, en sollicitant le parrainage d’annonceurs. Lorsque Café Babel lance un dossier sur la question des assurances pour les « europatriés » (ces ressortissants européens qui vivent et travaillent dans un autre pays que le leur), les annonceurs signent un contrat qui spécifie qu’ils n’auront pas leur mot à dire sur le contenu du dossier. Dans les faits, l’expérience s’avère tellement compliquée dans la relation avec les annonceurs qu’elle n’aura pas de suite.
Un budget composé essentiellement de subventions
Le site PressEurop développé par Courrier international a conclu un accord de reprise de certains contenus de Café Babel moyennant un tarif de quelque 10 000 € par an en 2009. L’arrivée de cette « manne » a donné lieu a des débats au sein de la communauté. Les contenus étant fournis par les internautes, ne serait-il pas juste de leur redistribuer une partie de ce revenu ? Au terme de la discussion, la communauté a considéré que les sommes seraient très modiques, une fois réparties entre tous, et qu’il valait mieux que Café Babel les conserve dans ses comptes.
Café Babel anime également des débats ou encore des sites événementiels à la demande de certaines institutions européennes. Une situation de prestataire de service qui peut provoquer des tensions lorsque le site sur les élections européennes financé par le Parlement européen n’est pas tout à fait du goût de l’institution. Mais ce cas fait figure d’exception. En général, c’est la taille et la position du logo du partenaire sur le site qui suscite les plus longues discussions.
Reste que dans le budget global, les recettes commerciales ne pèsent que pour 10% du budget qui reste très massivement abondé par les subventions des États et des institutions européennes ainsi qu’en provenance de fondations. Un budget qui était de 600 000 € en 2009 (en très forte diminution pour cause de crise financière affectant aussi les budgets européens, ce qui a conduit à une réduction drastique de la taille de l’équipe qui est passé de 14 à 6 salariés permanents).
Et si Facebook était le principal concurrent de Café Babel ?
D’un point de vue déontologique, les risques de conflits d’intérêt liés à la publicité apparaissent assez limités dans la mesure où les articles sont d’abord proposés par les membres de la communauté sans lien avec les annonceurs ou financeurs éventuels.
Pour le reste, l’équipe se repose sur une charte éditoriale qui a été élaborée en 2003 et remise à jour tous les deux ans depuis cette date. Et les journalistes professionnels de la rédaction centrale à Paris veillent au grain. « Nous sommes assez intégristes sur ces questions de mélange des genres et de réalisation de dossiers sponsorisés, par exemple », explique Alexandre Heully, délégué général de Café Babel.
Né quelques années avant le web 2.0, Café Babel a réussi l’exploit de durer et d’être toujours en ligne 10 ans après son lancement. Reste que le site a sans doute été victime d’un concurrent qui n’existait pas encore au moment de son lancement : Facebook. Le réseau social est sans conteste aujourd’hui en train de prendre la place de média de référence de la génération Erasmus.
Cet article est rédigé dans le cadre de la préparation du rapport « Quel est l’impact déontologique des nouveaux modèles économiques des médias ?« |