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Marion Senant

La BBC au régime, elle pèse trop lourd sur le web britannique

Premier site d’information du Royaume-Uni, la BBC est un empire qui regroupe divertissements, documentaires, magazines et, bien sûr, information. Ces dernières années, elle a concentré ses efforts sur le développement numérique. Mais il semble que son succès dérange, à tel point que décision a été prise de tailler largement dans la masse.

Entrée du siège historique de la BBC à Londres (Photo: Redvers via Flickr)

Certaines réussites dérangent. C’est le cas de la BBC. Son succès dans le domaine de l’internet est tel qu’elle déséquilibre l’ensemble du web britannique par la place immense qu’elle est parvenue à occuper en l’espace d’une douzaine d’années. C’est en tout cas le reproche que lui font les libéraux aiguillonnés par les sites « commerciaux » qui peinent à suivre la cadence numérique imposée par la vénérable beeb, comme on la surnomme.

S’étonnant de cette réussite en 2006, le très libéral Financial Times se demandait comment une « entreprise bureaucratique financée par l’Etat et vieille de 80 ans » était parvenue à se hisser au premier rang des entreprises européennes du secteur de la communication et des nouvelles technologies dépassant de loin en audience, en innovation et en qualité les groupes privés les plus puissants et les start-ups les plus prometteuses.

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The Independent doit régler un problème de taille

Petit Poucet de la presse quotidienne britannique, The Independent doit composer avec un problème de taille évident. Loin des rouleaux compresseurs que sont la BBC, le Guardian ou encore le Times, le quotidien se doit de protéger une identité très forte pour survivre. Son site internet, independent.co.uk répond aux mêmes problématiques : avec 55 millions de pages vues par mois et un peu plus de 10 millions de visiteurs uniques annoncés, il assume sa différence.

Près de quinze ans de journalisme web au compteur, dont onze à l’Independent, Martin King, le rédacteur en chef du site connaît son affaire et ne se voile pas la face sur les moyens limités dont il dispose : une douzaine de journalistes (en équivalent temps plein) pour assurer une veille 7 jours sur 7, vingt heures par jour. S’ajoutent à cette petite équipe quatre personnes dédiées aux aspects techniques et une dizaine de commerciaux, qui eux, travaillent de manière séparée de la rédaction, afin d’assurer l’indépendance du titre.


Comment faire la différence donc, avec les mastodontes de l’information en ligne britannique ? La réponse de Martin King résume à elle seule toute la philosophie de son site internet : en n’essayant pas de copier ce que d’autres font très bien.

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Au Guardian, une rédaction intégrée qui défend ses valeurs

Pragmatisme et dialogue. Tels pourraient être les deux mots qualifiant la réorganisation des rédactions du Guardian il y a dix-huit mois. A l’heure de prendre possession de ses nouveaux bureaux, le Guardian Media Group (GMG) a adopté la solution d’une rédaction intégrée, effaçant d’un coup de déménagement les barrières, tant idéologique que géographique, entre le monde du print et celui du 2.0.

(photo: joanamary via Flickr)

Un mastodonte. Voilà l’image que renvoie le Guardian Media Group (GMG), perché dans ses bureaux flambants neufs du nord de Londres. Le groupe a pris possession des lieux au début de l’année 2009, un déménagement qui a coïncidé avec un revirement organisationnel. Le journal a profité du changement de locaux pour fusionner son service web —autrefois exilé à un étage différent—  avec le reste de la rédaction. Le bâtiment flambant neuf a été conçu expressément pour le Guardian. « L’intégration géographique a été un élément clé de l’intégration des rédactions du groupe », m’assure Meg Pickard, la responsable du développement des médias sociaux de GMG.

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Journalistes-entrepreneurs : les Anglais sans complexes

[Cet article est proposé par Marion Senant, jeune journaliste française installée à Londres.]

"Send Journalists To Report The Truth" (Photo: bthomso via Flickr)

Dire que monter sa société  en Angleterre est bien plus facile qu’en France, c’est un peu enfoncer des portes ouvertes. Des démarches administratives ultra-simplifiées et surtout un système qui ne requiert quasiment aucune mise de fonds initiale font de ce pays un paradis pour entrepreneur, comparé à la France.

Mais au-delà de ces questions « logistiques », l’esprit d’entreprise britannique crée un climat beaucoup plus favorable aux entrepreneurs et les journalistes outre-Manche ne s’y sont pas trompés. A Londres, les forums, conférences et réunions sur ce thème se multiplient et, à chaque fois que je m’y rends, je suis saisie par l’énergie, l’optimisme et la créativité dont fait preuve toute une génération de jeunes journalistes.

Décomplexé et « bankable »

Plutôt que de pleurer la « mort » de leur métier, ils ont choisi de créer une nouvelle façon d’exercer leur profession : décomplexée, innovante et surtout… « bankable ». Ne rêvons pas, il n’y a pas encore de success story à l’américaine dans le monde des médias anglais, mais des projets réfléchis et réalistes commencent à voir le jour.

Peut être est-ce dû  au fameux sens du commerce des Britanniques. Ce sont de formidables vendeurs et les journalistes que j’ai rencontré ici n’hésitent pas à se « marketer » eux même. Ils n’ont pas peur non plus de parler d’argent et ont un rapport plus simple au journalisme, considérant leur entreprise pour ce qu’elle est : un business.

Éthique personnelle et honnêteté intellectuelle

Cela n’exclut pas l’éthique et la rigueur, simplement, les journalistes britanniques qui se lancent dans l’aventure ont compris qu’il leur fallait à tout prix diversifier leurs activités. Ils n’hésitent pas à effectuer, parallèlement à leur travail journalistique, des prestations de formation, des animations de conférences ou de tables rondes, voire même, how shocking !, quelques travaux rédactionnels pour la communication.

Ensuite, tout est affaire d’éthique personnelle et d’honnêteté intellectuelle. Mais comme me l’expliquait l’un d’entre eux il y a quelques semaines : « si former des cadres sup à la prise de vue pendant quatre jours me permet de financer un reportage dans un quartier sensible de Manchester pendant un mois ou une enquête au long cours, je ne vois pas où est le problème ? Cela me permet de consacrer vraiment du temps à des sujets qui me tiennent à cœur ».

A l’heure où le bâtonnage de dépêche est en train de devenir la norme dans certains médias, on peut se demander où est la véritable éthique ? Chez le journaliste qui pompe allègrement l’AFP ou chez celui qui est capable de financer lui-même ses projets et n’a pas de compte à rendre à des annonceurs un peu trop envahissants ? Qu’en pensez-vous ?

Demotix: agence photo 2.0 et «mégaphone» pour journalistes freelances

Créée il y a un peu plus d’un an, Demotix est une agence photo d’un nouveau genre. Elle a a su utiliser les ressources d’internet sans abandonner les fondamentaux du journalisme. Demotix revendique aujourd’hui une communauté de 15 000 membres dans plus d’une centaine de pays et plus de 200 médias comme clients des images produites. Lorsqu’une image est vendue la moitié du prix revient au photographe et l’autre moitié à Demotix.Focus sur une entreprise qui n’a pas peur de l’avenir.

De Londres – Au royaume très fermé de la photo de presse, il y a les mastodontes Reuters, Associated Press ou encore l’AFP. Il y a aussi les photographes stars et les agences prestigieuses, Magnum en tête. Et puis il y a Demotix, le petit nouveau qui bouscule les règles du jeu depuis le début de l’année 2008.

Les règles, Turi Munthe, le PDG de cette jeune société les connaît. Longtemps journaliste, il a collaboré à nombre de publications prestigieuses. Mais pour lui, « le vieux modèle [économique, ndlr] est cassé ». Les grands journaux ne peuvent plus se payer de coûteux bureaux à l’étranger. Fini également, les correspondants permanents, voire certains envoyés spéciaux. Pourtant, et c’est là tout le paradoxe des médias aujourd’hui selon le jeune dirigeant, le nombre de personnes capables de rapporter de l’information n’a jamais été aussi grand.

En Une du New York Times pendant la crise iranienne

Turi Munthe, patron-fondateur de Demotix.com

Il a ainsi eu l’idée de mettre en relation ces personnes, qu’elles soient photojournalistes de profession ou amateurs (éclairés) avec les grands médias. « Nous fonctionnons comme un mégaphone pour freelances », explique-t-il du haut de la tour qui héberge la jeune entreprise à Notting Hill. Là, autour de tables à tréteaux, une dizaine de personne scrutent les centaines de photos chargées sur le site chaque jour par ses « contributeurs ». Les meilleures sont ensuite sélectionnées et vendues aux grands médias du monde entier : New York Post, Wall Street Journal, The Guardian,… mais aussi Le Figaro et Le Monde en France.

Pour se démarquer de ses grands rivaux, Reuters et AP, Demotix met en avant sa communauté internationale. En hébergeant à la fois le travail de journalistes occidentaux et « locaux », il pense pouvoir apporter un aperçu plus complet, plus réaliste, d’une information.

La plate-forme accueille en effet des photographes basés dans des pays où les journalistes occidentaux ont des difficultés à travailler, voire en sont complètement empêchés. Ainsi, l’année dernière en Iran, Demotix a longtemps été la seule agence capable de proposer des informations fiables, grâce à ses contributeurs sur place. Ses photos ont ainsi été choisies plusieurs fois pour faire la couverture du New York Times pendant le mois de juin.

Gardiens de l’information

Pour Turi Munthe, Demotix n’est pas seulement une agence photos. Son entreprise se place au cœur d’une révolution de l’information qui a déjà commencé. «Dans le futur, les grands journaux vont surtout avoir un rôle de gardien de l’information, ils deviendront des plateformes de publications pour une armée de journalistes-entrepreneurs, qui manieront toutes sortes de supports différents », estime-t-il.

C’est donc logiquement que Demotix a lancé sa plateforme vidéo il y a deux semaines, des projets pour accueillir des articles écrits sont en cours, tout comme la création de versions du site en espagnol, arabe ou français. D’ailleurs, pour cette dernière, Turi Munthe lance un appel, si quelqu’un serait intéressé par le projet, qu’il se fasse connaître !

En savoir plus:

Adam Westbrook: « Il est temps de chercher des solutions concrètes pour l’avenir de l’information ! »

[Cet article est proposé par Marion Senant, jeune journaliste française installée à Londres.]

Adam Westbrook

Adam Westbrook a 25 ans. Il est journaliste et passionné d’internet. Pour lui, la question ne se pose pas : l’avenir de l’information est sur le web, encore faudrait-il en inventer le format. Lassé d’entendre ses confrères se lamenter sur la mort de leur profession, il a lancé Future of the News, un groupe de réflexion –optimiste– sur l’avenir du journalisme. Rencontre.

Comment est né  le groupe Future of the News ?

Lorsque je suis arrivé à Londres il y a six mois, je me suis rendu à des conférences sur le futur de l’information. J’y ai ressenti une grande frustration. D’abord ces événements sont payants… et plutôt chers, du coup les personnes qui y assistent sortent souvent du même moule et leur manière de penser était toujours la même. Ensuite, la même question revenait sans cesse : est-on en train d’assister à la mort du journalisme ? Tout était tellement négatif ! On oubliait de poser la plus importante à mes yeux : quel est le futur du journalisme ?

Vous avez donc décidé  de prendre les choses en main ?

Je me suis dit qu’il était temps qu’il existe un groupe rassemblant des personnalités de tous horizons, qui ont en commun d’avoir envie de découvrir le futur de l’information. J’avais envie que ces discussions se tiennent de manière informelle et détendue et surtout que tout le monde puisse prendre la parole pour essayer de trouver une solution concrète à la question !

Alors concrètement, qu’est-ce que Future of the News ?

Future of the News compte 300 membres à Londres après trois mois d’existence et des groupes similaires sont en train de se créer partout au Royaume-Uni, notamment à Brighton et Glasgow. Les rencontres sont mensuelles.

Comment se déroule une réunion ?

La session est généralement divisée en deux parties. Dans un premier temps, des intervenants viennent présenter leur action. Je tiens à ce que ces personnes fassent effectivement quelque chose sur internet. Dans un deuxième temps, l’ensemble du groupe est amené à réfléchir de manière créative à un problème donné. L’idée est de se couper des raisonnements traditionnels qui ont cours dans le milieu de la presse pour proposer d’autre façon d’aborder les problèmes. Ces sessions permettent aux gens d’échanger leurs idées et, je l’espère, d’étendre leur réseau pour, peut être, un jour, en venir à collaborer sur des projets !

Quelle est votre définition d’un journaliste multimédia ?

C’est une personne capable de raconter une histoire de différentes façons, en utilisant différents outils. Mais la question n’est pas de savoir utiliser les outils, plutôt de choisir le meilleur support pour chaque histoire à raconter. Sur internet, le choix du média devient une activité journalistique, alors que ce n’est pas le cas quand on travaille pour un journal, une radio ou une chaîne de télévision bien évidemment.

Vous-même vous définissez comme un journaliste multimédia. Comment l’êtes vous devenu ?

J’ai suivi une formation en vidéo-journalisme à l’université. Déjà là bas, j’ai senti que les choses allaient changer et que le journalisme comme on me l’enseignait n’allait bientôt plus exister. Puis j’ai travaillé pour la radio pendant trois ans, tout en continuant à m’intéresser de près au journalisme sur internet. En octobre, j’ai démissionné de mon poste et je suis revenu m’installer à Londres. Durant toutes ces années, j’étais déjà blogueur, ce qui m’a permis de me familiariser avec les différents outils techniques à disposition sur internet.

Vous avez pris un vrai risque…

Beaucoup pensent qu’internet est une menace pour le journalisme, moi j’y vois au contraire une grande opportunité. A partir du moment où on peut s’autopublier, il serait presque criminel de ne pas essayer. Je me suis lancé car je me suis rendu compte que les choses changeaient et je voulais en faire partie. 2009 a été je pense un véritable tournant et la « révolution » s’accélère depuis le début de l’année.

Envisagez-vous de devenir entrepreneur ?

Je pense monter une structure dans les prochains mois. Mais réussir avec une entreprise journalistique, c’est comme toute entreprise : il faut trouver une « niche d’audience ». Lui apporter un service sur-mesure. Il faut appliquer cette loi du business au journalisme. C’est la base. Depuis quelques mois, j’ai rencontré plusieurs médias qui ont trouvé cette niche et réussissent à en vivre. Notamment, un groupement de journalistes qui fournit beaucoup de contenus aux ONG. Cela leur permet de réaliser des reportages à l’étranger et de témoigner de façon tout à fait journalistique, mais avec une sécurité financière un peu plus importante que s’ils étaient de simples freelance. Et puis il faut diversifier ses sources de revenus…

Mais n’y a-t-il pas alors un risque de ne plus vivre du journalisme, mais de ses activités annexes ?

Disons que la fin justifie les moyens ! Si faire de la formation me permet de financer des projets de reportages qui me tiennent à cœur, ça ne me dérange pas !

Liens :

Future of the News UK : http://www.meetup.com/Future-of-news/

Blog d’Adam Westbrook: http://adamwestbrook.wordpress.com/

Site internet d’Adam: http://www.adamwestbrook.co.uk/