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Journalistes-entrepreneurs : les Anglais sans complexes

[Cet article est proposé par Marion Senant, jeune journaliste française installée à Londres.]

"Send Journalists To Report The Truth" (Photo: bthomso via Flickr)

Dire que monter sa société  en Angleterre est bien plus facile qu’en France, c’est un peu enfoncer des portes ouvertes. Des démarches administratives ultra-simplifiées et surtout un système qui ne requiert quasiment aucune mise de fonds initiale font de ce pays un paradis pour entrepreneur, comparé à la France.

Mais au-delà de ces questions « logistiques », l’esprit d’entreprise britannique crée un climat beaucoup plus favorable aux entrepreneurs et les journalistes outre-Manche ne s’y sont pas trompés. A Londres, les forums, conférences et réunions sur ce thème se multiplient et, à chaque fois que je m’y rends, je suis saisie par l’énergie, l’optimisme et la créativité dont fait preuve toute une génération de jeunes journalistes.

Décomplexé et « bankable »

Plutôt que de pleurer la « mort » de leur métier, ils ont choisi de créer une nouvelle façon d’exercer leur profession : décomplexée, innovante et surtout… « bankable ». Ne rêvons pas, il n’y a pas encore de success story à l’américaine dans le monde des médias anglais, mais des projets réfléchis et réalistes commencent à voir le jour.

Peut être est-ce dû  au fameux sens du commerce des Britanniques. Ce sont de formidables vendeurs et les journalistes que j’ai rencontré ici n’hésitent pas à se « marketer » eux même. Ils n’ont pas peur non plus de parler d’argent et ont un rapport plus simple au journalisme, considérant leur entreprise pour ce qu’elle est : un business.

Éthique personnelle et honnêteté intellectuelle

Cela n’exclut pas l’éthique et la rigueur, simplement, les journalistes britanniques qui se lancent dans l’aventure ont compris qu’il leur fallait à tout prix diversifier leurs activités. Ils n’hésitent pas à effectuer, parallèlement à leur travail journalistique, des prestations de formation, des animations de conférences ou de tables rondes, voire même, how shocking !, quelques travaux rédactionnels pour la communication.

Ensuite, tout est affaire d’éthique personnelle et d’honnêteté intellectuelle. Mais comme me l’expliquait l’un d’entre eux il y a quelques semaines : « si former des cadres sup à la prise de vue pendant quatre jours me permet de financer un reportage dans un quartier sensible de Manchester pendant un mois ou une enquête au long cours, je ne vois pas où est le problème ? Cela me permet de consacrer vraiment du temps à des sujets qui me tiennent à cœur ».

A l’heure où le bâtonnage de dépêche est en train de devenir la norme dans certains médias, on peut se demander où est la véritable éthique ? Chez le journaliste qui pompe allègrement l’AFP ou chez celui qui est capable de financer lui-même ses projets et n’a pas de compte à rendre à des annonceurs un peu trop envahissants ? Qu’en pensez-vous ?

Journaliste entrepreneur ≠ autoentrepreneur

– Ah oui, alors maintenant tu es autoentrepreneur, c’est ça?

– Euh, non

– …

– L’idée, c’est journaliste et entrepreneur.

– C’est pas ce que je viens de dire ?

– …

– …

– Non.

Cet échange n’a pas eu lieu, mais il aurait pu. Depuis la naissance de ce blog, les mêmes questions reviennent sans cesse autour de la question du journalisme et du statut d’autoentrepreneur.

Disons les choses simplement et calmement: il est IMPOSSIBLE d’être légalement journaliste ET autoentrepeneur.

Ce qui ne veut pas dire que la tentation n’existe pas chez certains employeurs d’imposer ce statut à leurs pigistes comme le rappelle fort opportunément cet article de Frédérique Roussel dans Libération.

Depuis le 1er janvier 2009, le statut d’autoentrepreneur permet d’avoir une rémunération à côté d’une activité principale pour un chiffre d’affaires allant jusqu’à 32 100 euros par an. Au départ, la liste du ministère qui énonçait les professions libérales pouvant prétendre à ce régime intégrait le journalisme. Les syndicats de la profession ont rappelé au ministre Hervé Novelli que le code du travail impose au journaliste indépendant et au pigiste d’être salarié, et qu’il ne relève pas du libéral.«Le journaliste est salarié par nature», répond-on aujourd’hui au ministère, qui l’a rayé de la liste.

Etre journaliste et entrepreneur, c’est donc se préoccuper de développer économiquement son activité en utilisant un autre statut que celui d’autoentrepreneur: EURL, SARL, SAS, par exemple.

PS. Concernant l’intérêt et les dérives du statut d’autoentrepreneur, jetez un oeil sur le blog d’un étudiant que j’ai eu le plaisir d’accompagner dans son projet de fin d’études de l’école de journalisme de Sciences Po: Jean-Baptiste Chastand pour Profession: autoentrepreneur

Où j’apprends l’utilité des tampons-encreurs

Tampon-encreurVous, je ne sais pas, mais moi je n’étais jamais entré dans un magasin du genre Office Dépot. C’est une expérience.

Pour être honnête, je n’y suis pas allé sous le coup d’une inspiration subite. C’est notre prof de compta-gestion qui m’a ouvert les yeux sur un univers inconnu de moi jusqu’à ce jour. Il nous a expliqué doctement que nous allons devoir disposer de tampons-encreurs pour notre entreprise et notamment d’un tampon « comptabilisé ». Je crois que ça sert à tamponner les factures une fois qu’elles ont été saisies en comptabilité afin d’éviter les risques de d’erreur du genre double saisie. « Ah bon », ai-je dit ayant du mal à cacher mon enthousiasme pour ce joyau de modernité moléculaire; moi qui croyait pouvoir évoluer dans un monde numérique et dématérialisé.

Je n’étais pas au bout de mes surprises. Le prof de compta-gestion a également sommé les futurs créateurs que nous sommes de nous doter d’un tampon-encreur au nom de notre société pour « authentifier » notre signature sur certains documents. En entendant cela, des mots se sont bousculés dans ma tête (« identité numérique », « usurpation », « authentification », etc). En effet, ce tampon, n’importe qui peut se le procurer moyennant une poignée d’euros et deux jours d’attente. Pour être clair, je peux très bien faire fabriquer un tampon au nom de l’entreprise « Apple » ou bien « L’Oréal », si je le souhaite. En terme d’authentification, on fait mieux.

Tout ça pour dire que créer une entreprise, c’est accumuler des papiers et des tampons. Et les papiers, il faudra les garder (au moins dix ans). Je crois que les fabricants d’armoires d’archives ont encore de beaux jours devant eux.

Tout ça pour dire également qu’un passage chez Office Dépot (ou autre, je n’ai pas d’actions chez eux, seulement une carte de fidélité qu’on s’est empressé de me fourguer à mon premier passage) fait entrer dans un univers nouveaux où il existe des tampons « comptabilisé », des « ote-agrafes », des « relieurs d’archives », des « chemises à fenêtre », des « journaux trois colonnes », etc.

Je me demande finalement si ça me manquait vraiment de ne pas connaître tout ça…