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Business Plan

Aftonbladet: l’alliance suédoise entre l’éditorial et le commercial

Aftonbladet est un mastodonte du paysage médiatique suédois. Chaque jour, le journal vend 348 000 exemplaires dans un pays de 900 000 9 millions d’habitants. Rapporté à l’échelle française, on pourrait imaginer l’équivalent du Monde tirant à 2,3 millions d’exemplaires (contre 400 000 en réalité pour le quotidien du boulevard Blanqui). Il faut dire aussi que 84% des Suédois âgés de 15 à 79 ans lisent un quotidien.

Le site web du Aftonbladet

Ce succès surprendra les amateurs de design suédois tant le journal (et son site web) sont éloignés de l’idée que l’on se fait du style simple et épuré qui prévaut sur les îles qui forment Stockholm et dans les environs. On est ici dans l’univers visuel du tabloïd et rien ne vient contredire cette signature de journal populaire.

La publicité ne compte que pour 30% des recettes

Le succès du Aftonbladet est double. Dans sa version papier, c’est le premier quotidien du pays sur un marché très concurrentiel. En ligne, le site est l’un des plus importants médias en Suède, avec des pointes à 2 millions de visiteurs uniques par jour. Encore une fois, rapporté à la taille du pays, ces chiffres sont plus de 6 fois supérieurs à ceux du Monde ou du Figaro en ligne.

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Les journalistes veulent créer le job dont ils ont toujours rêvé

Alan D. Mutter (photo: rsjelection08 via Flickr)

Alan D. Mutter est un observateur très avisé de l’économie des médias. Dans un post récent, il essaie de comprendre pourquoi les projets montés par des journalistes ont une fâcheuse tendance à merder sur un plan économique (c’est un résumé très libre de ses propos).

Il constate que lassés des plans sociaux et autres licenciements, des journalistes de plus en plus nombreux ont décidé de prendre leur destin en main et de créer des sites d’info.

Alan D. Mutter applaudit mais il constate aussi que ces entrepreneurs ne se donnent pas toutes les chances de réussir.

« Après avoir discuté avec plusieurs journalistes-entrepreneurs, j’ai constaté qu’ils commettent presque tous la même erreur qui a provoqué l’échec de beaucoup de créateurs d’entreprise: au lieu de créer une entreprise, ils essaient de créer le job dont ils ont toujours rêvé. »

En d’autres termes, les journalistes-entrepreneurs s’occupent plus de journalisme que d’entreprise.

Pour en avoir le coeur net, Alan D. Mutter a décidé de se pencher sur le cas de trois sites d’info lancés récemment. Le premier fait de l’info locale en zone rurale; le deuxième traite l’actualité d’une ville; le troisième vise une audience nationale. Ensuite, l’auteur compare avec la performance des médias traditionnels qui existent sur les zones correspondantes. Pour effectuer les comparaisons, Mutter se base sur les données Alexa en reconnaissant toutes les limites de l’outil. Il constate que les pure players font beaucoup moins bien sur le web que les médias traditionnels.

« Quand les journalistes dans les sites pure player pensent leur activité sans routine et passent plus d’une douzaine d’heures chaque jour à traquer des infos et rédiger des articles pour leurs sites, cela ne leur laisse ni le temps ni l’énergie de réfléchir aux facteurs de réussite que sont la construction d’une audience et le développement d’une base économique saine pour de futurs développements. »

Alan D. Mutter pointe quelques phrases caractéristiques de cette situation:

  • « Nous sommes meilleurs que le journal local »
  • « Nous comptons sur les internautes pour nous faire connaître »
  • « Nous sommes soutenus par une fondation »
  • « Nous allons vendre de la publicité et trouver des sponsors »
  • « Nous attendons les contributions des internautes »
  • « Nous allons peut-être publier une newsletter payante »

Et la conclusion de Mutter tombe comme un couperet sur la « naïveté » économique de nombre de journalistes:

« Les journalistes sont tellement occupés à faire du journalisme -et, franchement, trop confiants dans le fait que la qualité de leur couverture de l’actualité sera suffisamment attirante pour capter une audience toujours plus importante- qu’ils consacrent des efforts limités dans le domaine du marketing, de la promotion et de la monétisation de leurs sites. Travailler sans un business plan digne de ce nom et espérer que ça marche est une recette bien connue pour des désastres dans ce domaine. Malheureusement, c’est ce que font beaucoup de sites d’info pure players. »

Alan D. Mutter évoque, bien entendu, la situation des États-Unis. Selon vous, en est-il de même de ce côté de l’Atlantique?

Où l’on commence à parler de business plan

Il y a des mots qui sonnent comme des Graal*, des fétiches, des entités incertaines et sans doute un peu magiques avec, comme il se doit, une double face (maléfique/bénéfique) dont le destin obéit à des lois inaccessibles aux simples mortels. Le « business plan » en fait partie dans le monde des wannabe entrepreneurs et autres aspirants chefs d’entreprise.

Grosso modo, pour résumer ce que j’ai compris, c’est du storytelling. Il faut raconter une histoire et essayer de faire rêver. Mais le rêve doit être bien raconté et pour cela, dans ce monde-là, il faut des chiffres.

Et ces chiffres, ils passent par des notions comptables. Et c’est par là que nous avons commencé. On m’avait appris à raconter des histoires avec des mots, des photos, du son, des vidéos. Je vais maintenant devoir apprendre à raconter des histoires avec des chiffres.

Pour l’instant, c’est juste le début, je ne sais même pas encore dire « il était une fois » en langage « business plan« , mais promis, je vais m’accrocher.

Je n’ai pas été le seul à être confronté à l’épreuve du storytelling chiffré. Agnès Maillard, sur le blog Monolecte a subi également l’épreuve du feu: do you speak business plan? Sa réponse, négative, l’a plongée dans une perplexité infinie et (limite) délétère.

Thierry Crouzet s’interroge également, mais sur un plan plus moral je dirais, sur la possibilité de vivre de ses écrits sur le web.

Narvic, pour sa part décortique les options qui pourraient se retrouvrer dans un business plan (on dit aussi plan d’affaires en français, mais apparemment personne ne l’emploie de ce côté-ci de l’Atlantique-Nord):

  • l’édition (écrire des livres au risque de la cannibalisation du blog par le bouquin, ou le contraire)
  • la pub (mais elle ne suffit pas loin de là)
  • le marketing éditorial (créer du contenu en visant une cible marketing mais c’est peu enthousiasmant)
  • solliciter des dons (ne semble pas viable pour beaucoup de blogueurs)
  • être salarié d’un gros site qui héberge son blog (modèle relativement opaque à l’heure actuelle)

Pas de martingale ou de recette secrète en vue. Je continue de creuser et je travaille mon plan comptable général en attendant (c’est du vocabulaire pour raconter les histoires chiffrées).

*Je ne sais pas si on peu dire DES « Graal ». Il n’y a qu’un Graal. J’attends vos lumières sur ce point.